Dans le cadre de la convention entre le LASPAD de l’Université Gaston Berger (UGB) et le Center for Global Studies (CGS) de l’Université Internationale de Rabat (UIR), le 3 juin dernier s’est tenue une rencontre académique autour du thème Repenser l’Afrique. Cette rencontre a été organisée en collaboration avec le Centre d’Étude de Religion (CER) de l’UFR Civilisations, Religions, Art et Communication (CRAC) et l’association Hahatay de Gandiol. Les interventions des docteurs Farid El Asri, Yousra Hamdaoui, Blondin Cissé, Frédérique Louveau, Abdourahmane Seck, Khalifa Diop, Beatriz Mesa, et de Mamadou Dia, ont permis de mener une réflexion sur l’Afrique contemporaine en s’interrogeant notamment sur les enjeux globaux de la sécurité, de l’économie, du social et du politique.
L’analyse de ces multiples enjeux et défis passe par une étude critique qui permet de saisir les dynamiques actuelles d’un contexte géopolitique asymétrique en raison de la fabrique d’une domination du Nord sur le Sud de moins en moins évidente. À travers les questions de sécurité et de gouvernance, il s’agit de déconstruire les représentations erronées sur l’Afrique et les politiques sécuritaires orientées uniquement vers l’action militaire au détriment des aspects humains et citoyens.
C’est dire qu’il faut inclure l’action citoyenne dans les agendas des dirigeants politiques pour une démocratie performative à travers d’une action citoyenne effective. Les préoccupations des populations doivent être au centre de l’agenda sécuritaire. En effet, la présentation du Baromètre citoyen de la sécurité (www.citizen-security.org) a montré la nécessité de mesurer la sécurité à partir des perceptions citoyennes. La conclusion est la suivante : la sécurité telle qu’énoncée dans le débat public n’est pas celle dont la population a besoin. Une rapide illustration : la délinquance et le chômage sont plus préoccupants que le terrorisme. Le système sécuritaire africain doit être remodelé.
En outre, les aspirations humaines doivent primer sur les intérêts sécuritaires des systèmes dominants, d’où l’importance de revisiter les politiques économiques et sociales conduites par les élites africaines qui ne parviennent pas à mettre fin au sous-développement, au communautarisme et à la radicalisation.
Concernant les politiques migratoires, il est aussi nécessaire et urgent de réévaluer le paradigme migratoire qui se focalise sur le contrôle des frontières. Cette « sécuritisation » de la migration s’accompagne de la volonté européenne d’externalisation de la gestion de ses frontières. Les politiques migratoires africaines d’orientations répressives sont soumises aux visions européennes, ce qui explique l’écart entre les intentions mobilisées et les réalités sociales.
Dès lors, la politisation multidimensionnelle de la question migratoire reste à déconstruire en rompant avec la gestion arbitraire des flux migratoires et l’instrumentalisation diplomatique, juridique et politique des migrants.
Les enjeux économiques doivent aussi être repensés. Subissant une mauvaise gestion des ressources, les économies africaines reposent en grande partie sur un immense paradoxe à élucider : ressources naturelles abondantes et population majoritairement pauvre. Comment l’expliquer autrement que par le fait que les politiques économiques se nourrissent de la fabrique de la misère des populations exclues de la gestion des ressources ? Cette situation nourrit la radicalisation d’une partie de la jeunesse africaine. L’Afrique doit définir une véritable politique sociale qui s’inscrit dans la prise en compte d’une génération cosmopolite qui rêve de se libérer de la prédation économique des puissances étrangères.
Face à ces situations politiques, économiques, sécuritaires et migratoires complexes, il devient urgent pour l’Afrique de renforcer la légitimité et l’action de ses institutions publiques pour se réinventer, se positionner et se stabiliser géopolitiquement en donnant voix au chapitre aux peuples de notre Continent.