Adieu Maître, tu nous auras inspiré !
Le vendredi 20 août 2021 à Diourbel s’est endormi à jamais le Professeur Papa Meïssa DIENG. Il a incarné pour moi, non seulement la figure du Maître, mais aussi, celui du collègue, celui d’un ami, mais surtout, celui simplement du grand frère, et un éminent frère.
J’ai connu le professeur Papa Meïssa DIENG en 1995 alors que j’étais jeune étudiant, en 2eme année en sciences juridiques et politiques à l’UGB.
Il devait nous enseigner le cours d’introduction aux relations internationales. L’Administration nous avait dit d’attendre parce qu’il y a un professeur sénégalais qui devait venir de France pour dispenser le cours.
On l’a attendu impatiemment, et finalement, il est venu. Lors de notre premier contact avec lui voilà ce qu’il nous disait ; « j’enseignais en France à Strasbourg. J’ai décidé de venir servir mon pays et de contribuer modestement, à la construction de l’édifice ». C’est cet idéal qui l’a animé jusqu’à son décès.
La lecture de son CV témoigne d’une très riche formation avec des diplômes universitaires obtenus au Sénégal, en Côte d’Ivoire, et en France.
Sa carrière, ses activités d’enseignement et la liste de ses travaux et publications, témoignent de son engagement en faveur de la défense de l’Environnement. Il en avait fait, un cheval de bataille avec un esprit d’ouverture au droit international.
Durant sa carrière professionnelle, nous avons appris à nous connaitre et à nous estimer mutuellement. Un an après son retour au bercail, son fils ainé voulait le rejoindre. Il s’inquiétait de trouver une bonne école qui pouvait l’accueillir à Saint-Louis. Il m’en a parlé : je lui avais conseillé le collège Didier Mairie qu’il ne connaissait pas. Je suis parti moi-même demander les renseignements pour lui.
Son fils est venu, et a fait le test d’entrée qu’il a réussi, pour être accepté en 5e secondaire. Ce fils est aujourd’hui devenu : ingénieur en génie atomique et, travaille au Centre d’Études et de Recherche nucléaire (CERN), dans la banlieue de Genève en Suisse.
Pendant tout le temps que j’étais à l’étranger pour mes études, nous ne nous sommes pas éloignés. J’avais de ses nouvelles régulièrement et vice versa.
À chaque occasion que je venais au Sénégal, j’essayais de le rencontrer, pour lui apporter des ouvrages. Il adorait la lecture.
La dernière fois que je le faisais, je me souviens, je l’ai trouvé au Rectorat dans son bureau comme conseiller au Cabinet du Recteur N’Diawar Sarr.
Par la suite, je suis rentré définitivement au Sénégal. On est devenu des collègues.
Un jour, la fondation OSIWA est venue nous voir, pour nous dire qu’il voulait deux enseignants-chercheurs qui parlaient anglais et qui avaient un intérêt pour les Droits de l’homme. Nous avons déposé nos candidatures et avons été sélectionnés pour aller faire une formation en droit des personnes handicapées à Galway en Irlande.
Ce voyage a coïncidé avec un mois de ramadan. Mais les Britanniques sont très respectueux de la diversité culturelle et des croyances religieuses des autres. Ils nous ont compris. A la fin de la formation à 16h, nous recevions chacun, un sac rempli de toute chose, pour la coupure du jeûne. Dans nos appartements meublés, il y avait aussi toujours quelque chose de prévue, pour nous dans la cuisinette pour le repas du soir et le repas de l’aube (KHEUD). A la fin de notre formation, sur le chemin du retour, Pape m’a dit qu’il allait faire un crochet en France, voir sa famille. Arrivée à Paris, il prenait le train pour Strasbourg, moi je continuais sur Dakar.
Après cette formation, OSIWA nous a dit qu’il fallait maintenant aller défendre notre projet devant les bailleurs, lors d’un partners meeting à Pretoria en Afrique du Sud.
Nous avons là aussi, fait le voyage ensemble et avons convaincu les bailleurs. Ensuite, nous sommes allés, à un autre partners meeting à Harare au Zimbabwe. Une fois le projet financé, il fallait maintenant dérouler les activités sur le terrain.
Nous sommes alors devenus « des juristes aux pieds nus », pour enlever nos toges et sortir des amphithéâtres, afin d’aller expliquer le droit à nos concitoyens dans des termes qu’ils comprennent. Ceci nous a rapproché des organisations de personnes handicapées et nous a permis de développer des liens et des relations très féconds avec elles.
Un jour, à la fin d’une activité de vulgarisation à Louga, nous sommes allés rendre une visite de courtoisie au gouverneur, Monsieur Alioune Badara Mbengue, actuel gouverneur de la région de Kaolack. Il était à la fois surpris et enchanté par l’objet de notre visite dans sa région. Il nous disait que l’Université, jadis perçue comme un tour d’ivoire, a vraiment changé de paradigme.
Cette aptitude remarquable à s’ouvrir aux autres tient à la réunion d’un ensemble de qualités rares. Cette ouverture a toujours était chez lui, le signe d’un esprit prêt à l’écoute et au dialogue. Cette ligne de conduite s’est reflétée dans ses activités académiques.
Le personnel d’enseignement et de recherche (PER) et le personnel administratif, technique et de services (PATS) et tous les membres de l’UGB tout entier, lui sont particulièrement redevables de l’œuvre exceptionnelle qu’il a accomplie au sein et hors de l’Université avec notamment : le projet (Boston/ Village de Diougoup Peulh, Sanar et UGB).
Je rappelle, que Pape Meïssa était aussi un acteur politique. Il a été, conseiller municipal à Diourbel. Il est aussi, membre fondateur du rassemblement des écologistes du Sénégal avec feu Ousmane Sow Huchard puis avec Aly Aïdar.
Il a ensuite, créé son propre parti, la convergence des écologistes du Sénégal (CES). Il était le Président des écologistes d’Afrique de l’Ouest. Il était aussi membre du Bureau de suivi des Assises nationales.
Papa Meïssa DIENG était parmi les meilleurs spécialistes du droit de l’environnement au Sénégal. Il a visité beaucoup de pays. Il avait un profil universel : c’est ce qui explique peut-être son ouverture d’esprit et son cosmopolitisme ainsi que son aptitude à réussir dans les environnements professionnels les plus variés.
La retraite est arrivée pour lui, Pape a décidé de s’installer définitivement à Saint-Louis. Il a décroché sans nous abandonner. Il venait de terminer son cours dans le nouveau Master en gouvernance foncière et, a été, le modérateur sans égal, lors de notre récent séminaire bimodal sur : le Sénégal et les hydrocarbures organisé par la Section droit de l’entreprise de l’UFR dans le cadre des activités d’animation scientifique.
Il y a quelques semaines, il m’avait dit qu’il allait passer la fête de la tabaski avec sa famille à Diourbel. Mais, je ne pouvais jamais imaginer que c’était notre dernière rencontre.
Pape était multidimensionnel. Il était aussi ce fervent talibé Tidiane qui a œuvré sans relâche, pour la numérisation des archives de Cheikh Seydi El Hadji Malick SY (RTA). L’écologie n’était pas seulement un concept pour lui, mais aussi, un mode de vie qu’il pratiquait tous les jours. Il a tout donné sans jamais rien demander. Il était très attaché à l’identité de notre culture avec notamment :
Il a été l’un des plus grands enseignants que notre UFR a connus depuis son ouverture en 1990. Son humanité est soulignée par nombre d’étudiants. Pour de multiples raisons, Pape Meïssa a joué un rôle déterminant avec son sens du rassemblement, à l’apaisement du climat social au sein de notre Institution ; une sortie de scène honorable pour cet intellectuel organique.
Cher Pape, tu m’as aidé. Tu m’as estimé. Tu m’as tendu la main dans la vie. Que le tout puissant te le rétribue en quintuple dans ta demeure éternelle. Je ne t’oublierai jamais !
Adieu maître, que la terre de Diourbel te soit légère et que Dieu t’accueille dans son paradis.
Pr. Papa Samba Ndiaye
Directeur
UFR sciences juridiques et politiques
Université Gaston Berger de Saint Louis
Sénégal