L’Université Gaston Berger de Saint-Louis, la radio privée Sud FM et Media Foundation for West Africa ont organisé le samedi 13 avril 2019 à l’auditorium de l’UGB 2, un forum public sur la bonne gouvernance sur le thème : « Après 59 ans d’indépendance, quelle place pour la gouvernance dans le nouveau et dernier quinquennat du Président Macky Sall? ». La rencontre a réuni des universitaires, des journalistes, des politiques ainsi des acteurs de la société civile.
Après un mot de bienvenue à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis prononcé par Maurice Soudieck DIONE, Baye Omar GUEYE, Directeur général de la radio Sud Fm a introduit le forum en mettant l’accent sur la nécessité de lutter contre le fléau qu’est la corruption. À titre d’exemple, il souligne que le taux de corruption issu du grand public sur les 12 mois précédant mai-juillet 2016 est estimé à 14,1 %, soit 118,44 milliards de francs CFA, selon l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC).
Ce forum a été animé par :
Les débats étaient organisés par :
Toutes ces facettes de la gouvernance sont soutenues par les principes de transparence, de probité, de participation, d’inclusion, de reddition de comptes et de respect de la loi, dans le cadre d’un État de droit. Cela doit permettre d’améliorer l’état de la gouvernance, au-delà de la seule lutte contre la corruption, comme le fait remarquer Monsieur Cheikh Fall Mbaye.
En effet, dans sa communication, le Directeur de la bonne gouvernance met l’accent sur des innovations institutionnelles qui lui semblent notables. D’abord, la création d’un ministère dédié à la gouvernance, qui révèle de son avis, une forte volonté politique. Ce cadre institutionnel est prolongé et renforcé par l’adoption de textes tournés vers l’amélioration de la gouvernance, notamment à travers le code de transparence de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), qui prévoit un rapport d’exécution du budget tous les trois mois, pour un accès régulier à l’information financière. Ce rapport d’exécution trimestrielle du budget, s’il est publié, permet un contrôle citoyen. Dans ce même registre des finances publiques, Monsieur Mbaye souligne qu’à partir de 2020, les budgets seront désormais axés sur les résultats et non plus sur les moyens. À cela il faut ajouter, pour renforcer ces dispositifs, la loi sur la déclaration de patrimoine, la création de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC), de même que la loi sur l’accès à l’information. Il y a en plus, l’animation de cadres multi-acteurs de dialogue, afin d’identifier de concert les défis de la gouvernance, de proposer des solutions, et de procéder avec des acteurs du secteur privé et de la société civile à l’analyse de la loi de finances.
Trois axes soutiennent l’optique de promotion de la gouvernance intègre : la prévention, la détection et la sanction. Mais la bonne gouvernance repose aussi et surtout sur l’éducation et la sensibilisation pour promouvoir des actions fondées sur l’éthique et garanties par la loi. Des modules d’éducation à la bonne gouvernance et de renforcement des capacités des acteurs ont déjà été dispensés à Dakar et à Thiès, pour le moment. La lutte contre la corruption est selon le Directeur de la bonne gouvernance, un processus d’amélioration continue. Selon Monsieur Mbaye, le Sénégal a évolué au regard de l’indice de perception de la corruption : de 33 points/100 en 2011, il est aujourd’hui à 45 points/100, mais il admet qu’il y a encore des efforts à faire pour améliorer cet indicateur. Au demeurant, en matière de transparence budgétaire, avec actuellement 51 points/100 contre 10 points/100 en 2011, le Sénégal est premier de l’UEMOA, premier dans la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) et 8ème en Afrique. Le pays est également bien classé dans le cadre de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives.
Apportant des précisions et remarques eu égard aux propos de Monsieur Mbaye, Monsieur Mame Latyr Fall du Forum civil estime qu’il n’y a guère à se féliciter par rapport à l’indice de perception de la corruption. En 2012 il était de 36/100, en 2013 il est passé à 41/100, en 2014 à 43/100, en 2015 à 44/100, et depuis 2016, on note une stagnation à 45/100. Mais pour le représentant du Forum civil, le chiffre n’est pas pertinent en soi. Il faut l’apprécier par rapport à la moyenne qui est de 50/100 ; et de ce point de vue, le Sénégal n’a toujours pas la moyenne. On ne peut donc pas être satisfait d’un élève dont les résultats sont en-deçà de la moyenne. Mame Latyr Fall ajoute que tous les corps de contrôle doivent encore aux citoyens des rapports qu’ils n’ont toujours pas publiés, et cela ne favorise pas la promotion de la bonne gouvernance, qui est une exigence démocratique majeure.
Dans cette perspective, le Professeur Youry Sall rappelle qu’au début du premier mandat du Président Macky Sall, ce dernier avait élaboré un discours sur la gouvernance en réponse à une demande sociale très forte, dans un contexte marqué par les coupures d’électricité, la cherté des denrées de première nécessité et des scandales de corruption à répétition. Le Président Sall a alors lancé le slogan de la « Gouvernance sobre et vertueuse ». Des outils institutionnels, législatifs, réglementaires et discursifs sont alors mis en place. Lors de la campagne pour le second mandat, cette demande de bonne gouvernance n’est pas revenue avec la force qui avait été la sienne, et semble être plus portée par le microcosme politicodakarois selon le Professeur Youry SALL. De son avis, il est impérieux de revenir à cette problématique du bilan immatériel sur le plan politique, qui est une demande d’éthique dans la gestion des affaires publiques. Car l’éthique, c’est ce qui sauve l’être humain ; elle doit être le socle moral de la société, et peut être puisée dans la religion comme avec la République théocratique de Thierno Souleymane Baal, instituée en 1776, avant la révolution française de 1789 donc.
Les communications délivrées par les divers intervenants ont été suivies de discussions avec le public composé essentiellement d’étudiants et d’enseignants-chercheurs.
Les étudiants de l’UFR des Sciences juridiques et politiques, notamment ceux du Club Science po et du Club OHADA (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires) ont participé de manière décisive à la réussite de cette manifestation scientifique.