A la rencontre de Madame Zeynab Mbengue WADE, Alumni de l’UGB et première femme Magistrate à la Cour des Comptes !!!
Nous avons l’honneur d’inviter dans ce numéro, Madame Zeynab Mbengue WADE, Magistrat(e) à la Cour Des Comptes et un alumni de l’Université Gaston Berger. Elle est aussi la première femme à intégrer cette haute juridiction chargée de juger les comptes des comptables publics dont l’admission se fait par voie de concours national très sélectif.
1/ Pouvez-vous revenir sur votre parcours intellectuel et universitaire ?
J’ai fait toutes mes humanités, comme on le dit, à l’Université Gaston Berger (UGB) que j’ai intégrée en octobre 1996 après l’obtention de mon baccalauréat avec mention Assez bien au Lycée Lamine Gueye.
J’ai passé, au total, sept (7) ans à l’UGB puisque j’ai fait un parcours de 1996 à l’année 2000 à l’UFR de Lettres et Sciences Humaines, section Français jusqu’à l’obtention d’un Certificat de Maitrise en Littérature comparée avant de m’inscrire à l’UFR de Sciences Juridiques et Politiques, section Sciences Politiques, pour obtenir la Maitrise en 2003.
Ces années d’étude ont été l’occasion de mener des travaux intellectuels dans le cadre des rapports et mémoires d’étude et m’ont permis d’acquérir les connaissances et aptitudes qui m’ont aidée à réussir au plan professionnel. En effet, j’ai pu réussir le concours de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) juste après l’obtention de ma maitrise en sciences politiques après une première tentative en année de licence qui m’a amené jusqu’à l’épreuve d’entretien.
2/ Vous étiez Administrateur Civil avant d’intégrer par voie de concours très sélectif la haute juridiction qu’est la Cour des Comptes. Pouvez-vous revenir brièvement sur votre parcours professionnel avant d’arriver à ce poste ?
Après ma sortie de l’ENA en 2006, j’ai été affectée au Ministère de la Coopération internationale et de la Coopération décentralisée où j’ai officié en qualité de Conseiller technique au cabinet du Ministre. A la fusion de ce ministère avec celui du Plan, j’ai été nommée Chef du Service de l’Administration générale et de l’Equipement, poste que j’ai occupé pendant sept (7) mois seulement, mais qui ont été très riches en enseignements sur le fonctionnement de l’Administration et ses contraintes. En septembre 2007, à la faveur d’un remaniement, j’ai migré au Ministère de l’Economie et des Finances où la Direction Générale du Plan a été nouvellement créée pour accueillir les services du Ministère du Plan supprimé ; j’y ai occupé la fonction de Conseiller technique du Directeur général pendant sept (7) ans, ce qui m’a permis d’avoir une connaissance transversale de tous les secteurs de l’Administration, de la conception et du suivi-évaluation des politiques publiques ainsi que des stratégies nationales et sectorielles. En octobre 2013, j’ai été détachée à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) pour occuper le poste de Directeur de la Recherche et de la Coopération. Après deux années riches en développement de projets académiques et renforcement de capacités des agents publics, j’ai réintégré l’administration centrale avec ma nomination en janvier 2016 au poste de Secrétaire Général du Ministère du Tourisme et des Transports aériens. Cette position m’a donné l’occasion de m’impliquer réellement dans la mise en œuvre des projets publics.
3/ Quelle a été la clé de votre réussite universitaire et professionnelle ?
La clé ? Je ne saurais dire exactement parce que la réussite tient à un ensemble de facteurs convergents. A ce propos, je peux dire qu’après l’aide d’Allah le Tout Puissant, l’éducation reçue de mes parents a été le plus déterminant puisque ces derniers m’ont donné le gout d’acquérir des connaissances à travers la lecture, eux-mêmes étant de grands lecteurs, mais également m’ont appris à être autonomes et à saisir les opportunités quand elles se présentent. Il y a également le fait que j’essaie de me fixer des objectifs et de me doter des atouts nécessaires pour les atteindre. De plus, je ne me suis jamais engagée dans une formation ou une fonction parce que quelqu’un l’avait fait ou parce qu’il y avait une visée pécuniaire derrière. Ce sont les pires raisons qui peuvent nous guider si on n’a pas un projet bien ficelé en tête et si on ignore la motivation de ceux qu’on imite.
4/ Quelle (s) appréciation faites-vous des réformes de l’enseignement supérieur au Sénégal ?
Je constate que le secteur de l’enseignement supérieur a subi beaucoup de réformes tendant à l’amélioration et à la professionnalisation des enseignements mais également à l’amélioration des conditions d’existence des étudiants et des enseignants. C’est très louable. Je crois qu’il faut renforcer les acquis et aller plus loin dans la professionnalisation en adéquation avec les besoins réels de l’économie sénégalaise sans perdre de vue qu’avec la multiplication et le développement des instituts universitaires, il faudra former aussi plus d’enseignants-chercheurs. Il faut saluer aussi la création de l’Université virtuelle, qui est une innovation de taille et qui constitue une réponse réelle aux contraintes de développement de l’Université africaine.
Le seul point qui me semble préoccupant est la quasi généralisation de l’accès à l’université, un peu contradictoire au regard de l’ambition de donner plus de poids à la formation professionnelle en vue d’avoir plus de jeunes formés dans les différents métiers à des niveaux intermédiaires.
5/ Vous êtes un produit de l’université publique sénégalaise, quelle(s) solution(s) préconisez-vous pour faire face à l’instabilité qui caractérise présentement le secteur ?
L’université publique sénégalaise a toujours été le théâtre de différents soubresauts liés souvent au contexte politique et aux contestations des étudiants résultant très souvent des retards de paiement des bourses. En 1998, nous avons vécu des événements terribles à l’UGB ; le bureau du Recteur a été saccagé, les forces de l’ordre sont entrées dans le campus universitaire, des étudiants ont reçu des balles réelles et ont eu des blessures qui les ont handicapés à vie. A voir les derniers événements qui se sont déroulés à l’université, on pourrait dire que l’histoire se répète.
Il faut cependant remarquer que les problèmes semblent s’être accrus pour diverses raisons et qu’à l’heure actuelle, l’université sénégalaise mérite d’être repensée et plus fondamentalement les œuvres sociales et l’octroi des bourses d’études. Peut-être que je me trompe mais j’ai l’impression que la majeure partie des problèmes provient de la prise en charge sociale des étudiants. D’où la nécessité de revoir la politique de massification pour faire en sorte d’avoir des effectifs qui puissent être correctement pris en charge. Egalement faire en sorte que ceux qui ont le plus d’aptitudes intellectuelles puissent intégrer les universités sachant qu’ils auront plus de chance d’en sortir avec des diplômes et que les autres soient orientés dans l’enseignement technique et professionnel. Le schéma actuel coûte cher et produit beaucoup de frustrés et de mal formés.
Mais, il faut, plus que tout, faire prévaloir la concertation, d’une part entre étudiants et autorités et d’autre part, entre les principaux acteurs de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle pour arriver à des solutions plus globales, consensuelles et réalisables.
6/ Vous êtes un alumni de l’UGB. Pouvez-vous revenir sur la qualité de la formation que vous y avez reçue ?
Je suis toujours très fière de dire que je suis un pur produit de l’école publique sénégalaise, particulièrement à travers l’UGB. Tout au long de ma carrière et lors des différentes et nombreuses rencontres que j’ai eues avec d’autres collègues ou partenaires étrangers, j’ai eu l’occasion de constater que nous n’avions rien à envier à qui que ce soit grâce à la qualité de l’enseignement que nous avions reçu.
Il faut dire, avec le recul, que nous avions bénéficié d’un très bon cadre à l’UGB, nous étions même privilégiés à mon avis. Nous avions la chance d’être dans de petites cohortes, presque des classes de lycée entre 60 à 40 étudiants. La plus grande « classe » à notre époque était la première année de droit et elle comptait une centaine d’étudiants. En maitrise de science politique, nous n’étions que huit (8) étudiants. Cette faiblesse des effectifs faisait que nous étions en contact direct avec nos professeurs, à qui je rends vivement hommage pour leur engagement et leur générosité. Ils étaient très proches de nous, on discutait en classe, dans les couloirs, on les retrouvait dans leurs bureaux, ils associaient les étudiants dans leurs travaux de recherche, etc. Il en était de même du personnel administratif et technique, qui était toujours disponible pour aider, encadrer, conseiller. Je crois que cette proximité entre ces différents, mais non moins complémentaires, acteurs de l’université est une des raisons qui explique la qualité exceptionnelle de la formation à l’UGB.
Il ne faut pas oublier aussi l’esprit Sanar, car nous étions conscients d’être là grâce à une sélection basée sur l’excellence et nous voulions préserver notre niveau à tout prix. Sans compter la solidarité entre étudiants, le tutorat qui était toujours de mise entre « ance » et « bleus », la convivialité dans le campus (j’ai rencontré mes meilleurs amis à Sanar et le plus important, mon mari). Et pour chahuter, je dirais aussi que les rudes conditions climatiques faisaient qu’on avait envie d’en finir rapidement et de rentrer chez soi.
7/ Pourtant, certains commencent à dire que l’excellence de l’UGB a migré vers d’autres horizons. Est-ce votre opinion ?
Non, je ne crois pas. Je suis l’évolution de l’UGB et je vois que ses produits continuent de sortir du lot lors des concours nationaux et des compétitions universitaires. Elle produit aussi beaucoup de diplômés du troisième cycle et de chercheurs qui se distinguent dans leurs domaines respectifs. Elle a diversifié les domaines d’enseignements, s’est professionnalisée et a amélioré les conditions pédagogiques. Donc, pour moi, dire que l’excellence a migré, c’est une question de perception simplement. Surtout si on se concentre sur l’actualité puisque pour apprécier les performances d’une université, il faut le faire dans la durée.
Toutefois, il ne faut pas dormir sur ses lauriers. Il faut travailler dans une dynamique de consolidation des acquis et d’amélioration continue.
8/ Quel message voudriez-vous lancer à vos jeunes frères et sœurs étudiants?
Je voudrais leur dire qu’ils ont eu le mérite d’intégrer l’université et qu’il leur appartient de faire les efforts nécessaires pour réussir leurs études en ne prenant pas pour finalité la bourse ou les autres « avantages » que peuvent leur offrir l’université ; ceux-ci ne constituant que des moyens mis à leur disposition pour faciliter leur scolarité. Par efforts, je pense au travail individuel de lecture, de recherche, d’établissement de projets académiques ou professionnels mais également au regroupement autour de centres d’intérêt contribuant à faciliter les études et l’insertion professionnelle.
Particulièrement à mes cadets de l’UGB, je voudrais vous dire de toujours garder à l’esprit, même si c’est un peu difficile, que vous êtes dans une université d’excellence dont vous devez contribuer à préserver et honorer la réputation durant votre formation et après votre formation. Que vous demeurez les meilleurs !
9/ Nous voici au terme de cet entretien. Quel serait votre mot de la fin ?
Je remercie très sincèrement toute la direction de l’UGB en commençant par le Recteur et en insistant sur la Direction de la Communication et du Marketing, pour l’opportunité qui m’a été offerte de m’adresser à la communauté universitaire. Je salue les efforts de communication qui sont déployés et qui sont de nature à renforcer et raffermir les liens entre les entités constituant cette communauté.
Je profite de l’occasion pour remercier mes professeurs encore présents à l’UGB, particulièrement M. Moussa DIAW, avec qui j’ai maintenu le contact et qui est toujours disponible pour des conseils. Je remercie également toutes les personnes qui m’ont offertes des opportunités au plan professionnel.
Et pour finir, vous me permettrez de rendre hommage à toute ma famille particulièrement, mes parents et mon mari pour le soutien constant. Grace à leurs encouragements, je suis toujours motivée à aller de l’avant.